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Politique nationale de gestion des réfugiés syriens au Liban

Le Liban est connu de longue date pour être un territoire d’immigration accueillant plusieurs milliers de travailleurs étrangers, de demandeurs d’asile et de réfugiés. Pourtant ce pays ne souhaite pas être considéré comme une terre d’asile ou même de transit et il n’y a pas, au Liban, de politique nationale générale vis-à-vis des migrants. Il existe différentes catégories d’immigrés qui renvoient à différents traitements. Le Liban n’est pas signataire de la Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés, ni de la Convention 189 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) relative aux travailleurs domestiques (2011), ni même de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (1990). Par conséquent, il y a une absence de normes légales globales sur cette question. Le Liban demeure toutefois lié par le principe de non-refoulement du droit international coutumier, qui interdit de renvoyer des personnes vers des pays où elles risquent d’être persécutées, torturées ou exposées à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants, et par les traités des droits de l’homme intégrés à sa Constitution (Aranki D. & Kalis O., 2014 ; Migreurop, 2013Kiwan F., 2005).

Législation libanaise en matière d’immigration

Au Liban la loi du 10 juillet 1962, relative à l’entrée, au séjour et à la sortie des étrangers au Liban, contient la réglementation sur les conditions d’entrées et de séjours dans le pays ainsi que les modalités d’obtention de visas. Cette loi punit l’entrée et le séjour irréguliers d’un étranger au Liban. Le criminel encoure une peine d’emprisonnement pouvant aller d’un à trois ans, une amende et l’expulsion du territoire. Chaque personne entrant de manière irrégulière dans le pays est en infraction même si elle est demandeuse d’asile. Par conséquent, en 2011, près de 10% des 11 391 prisonniers libanais étaient condamnés à cause de leur entrée ou de leur séjour illégal dans le pays (Migreurop, 2013).

Les normes internationales et les droits de l’homme inscrits dans la Constitution libanaise obligent le pays à prendre, à minima, des mesures temporaires envers les réfugiés sur son territoire. Il existe un Protocole d’Accord entre la Sureté Générale (services en charge des questions d’immigration rattachés au Ministère de l’Intérieur) et le HCR, signé en septembre 2003, qui a pour but de « trouver des solutions temporaires aux problèmes des personnes qui entrent et réside au Liban de façon illégale et qui soumettent une demande d’asile auprès du bureau du HCR en attendant leur réinstallation ou leur rapatriement. » (Kiwan F., 2005). Ce Protocole (aussi nommé « Memorendum of Understanding ») désigne le HCR pour s’occuper du droit et des demandes d’asile des réfugiés arrivant sur le territoire libanais (Beals G., 2013), à l’exception des Palestiniens qui sont gérés par l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA - United Nations Relief and Works Agency for Palestine Refugees in the Near East). Être enregistré par le HCR peut permettre une sorte de « protection limitée » car bien que le droit libanais ne reconnaît pas à proprement parler le statut de réfugié, il peut être amené, par le biais des décisions du HCR à prendre en considération cette dimension pour le non-refoulement des réfugiés dans leur pays d’origine (Clochard O. &  Doraï K., 2005). Cependant, le simple enregistrement au HCR ne permet pas aux réfugiés d’obtenir une demande d’asile ou un statut juridique, ceci relève d’autres démarches administratives (Kiwan F., 2005). De plus, le Protocole spécifie que le Liban n’est pas une terre d’asile et que les réfugiés doivent être réinstallés dans un autre pays dans un laps de temps d’une année maximum (Migreurop, 2013). Les orientations du Protocole et de la politique nationale du Liban ne souhaitent pas intégrer les réfugiés dans la société libanaise, le pays refuse officiellement d’être considéré comme un pays d’accueil pour les migrants, les demandes d’asiles sont possibles dans d'autres pays que le Liban. Les réfugiés syriens ont donc un statut juridique limité et temporaire dans ce pays (Aranki D. & Kalis O., 2014).

Conditions à l'installation temporaire des réfugiés au Liban

Jusqu'en 2015, les Syriens n’avaient pas besoin d’obtenir un visa pour rentrer sur le territoire et le renouvellement des permis de résidence était gratuit, lorsque le conflit syrien éclate le Liban ne tente pas de refouler les Syriens, les frontières restent ouvertes et le pays maintient une politique d’accueil admirable. Mais la législation libanaise se durcit au fur et à mesure des arrivées et selon les dernières réglementations promulguées en janvier 2015, les Syriens souhaitant demander un permis de résidence au Liban sont répartis en deux catégories : ceux qui sont enregistrés par le HCR et ceux qui ne le sont pas. Ces derniers doivent alors être parrainés par un sponsor libanais. De plus, les deux catégories doivent s’affranchir d’une taxe annuelle de résidence de 200 $ demandée à tous les Syriens de plus de 15 ans (Kiwan F., 2005Devenaux J., 2016). Cette taxe a cependant été abrogée suite aux interventions des organisations internationales, notamment Human Rights Watch dans un document nommé «  I just wanted to be treated like a person » qui dénonce à la fois la dureté de ces lois qui contraignent les réfugiés syriens à vivre dans la clandestinité et des problèmes d’application arbitraire de ces règlements. L’abrogation de cette taxe permet de nouveau aux réfugiés syriens d’obtenir un permis de résidence temporaire gratuit de six mois renouvelable (Dubessy F., 2017). Pour en bénéficier, ils devront obligatoirement avoir été inscrits sur la liste du HCR avant le 1er janvier 2015 ou obtenu un permis de résidence en 2015 et/ou en 2016. Cette décision de gratuité exclut de son champ les réfugiés qui ont renouvelé leur permis de résidence grâce au parrainage ainsi que les Syriens non inscrits auprès du HCR estimés à 500 000 individus (Dubessy F., 2017 ; AFP, 2014).

En bilan

 

Il n’y a pas de véritable politique libanaise d’accueil des réfugiés syriens. Pendant plusieurs années, seul le HCR organisait l’arrivée des réfugiés sur le territoire. Récemment, le Liban a mis en place une série de mesures contraignant l’installation des réfugiés (taxes, sponsor, etc.) et a également durci ses contrôles aux frontières affirmant ainsi que le pays ne souhaite pas être une terre d’asile pour la population syrienne. Ce refus du pays de s’impliquer dans la gestion des réfugiés laisse les municipalités faire face à cette réalité sans véritable moyen mis à leurs dispositions. Elles ont donc depuis plusieurs années pris pour habitude de « gouverner » leur territoire sans se référer à la politique nationale, elles se débrouillent localement avec les ressources disponibles, acceptant tacitement le retard et la faiblesse de l’État sur la question des réfugiés.

Mis en ligne le 30 août 2017.

Par Adèle Boucher.

Ci-joint la version intégrale pdf.

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