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Politique nationale de gestion des réfugiés syriens en Jordanie

En Jordanie, comme au Liban et malgré une histoire migratoire importante, il n’existe pas de système d’asile national et, comme les autres pays du Moyen-Orient, la Jordanie n’est pas signataire de la Convention de Genève de 1951. L’article 21 de la constitution jordanienne accorde le statut de réfugié pour l’asile politique dans des situations exceptionnelles, mais cette option est hors de portée de la plupart des réfugiés. En l’absence de législation spécifique sur l’accueil des réfugiés syriens, c’est le HCR qui, au travers d’un accord spécifique avec les autorités du pays (Memorandum of understanding qui précise le mandat du HCR), s’occupe de l’accueil, la protection et l’enregistrement des réfugiés dans le contexte de la crise syrienne (Doraï K., 2016). Ce Memorandum date de 1998 et a été amendé en avril 2014. Il  reprend la définition de « réfugié » donnée par la Convention de Genève et accepte les principes de non-refoulement du droit international coutumier et de réinstallation dans un pays tiers pour les réfugiés.

 

Le choix d’ouvrir des camps de réfugiés

 

La législation jordanienne ainsi que l’accord mis en place avec le HCR ne prévoient pas l’intégration des réfugiés au sein de la nation comme une solution durable. En Jordanie, les Syriens ont un statut juridique précaire, car ils sont considérés comme des migrants temporaires (Al-Kilani S. 2014). Il faut rappeler que la Jordanie est le seul pays du Moyen-Orient à avoir accordé la citoyenneté jordanienne aux réfugiés palestiniens après le conflit israélo-arabe de 1948. Aujourd’hui, les chiffres officiels annoncent que les Palestiniens représenteraient près de la moitié de la population jordanienne, ce qui est à nuancer, car en réalité les « Jordano-Palestiniens » sont bien plus nombreux sur le territoire. Mais ce précédent palestinien fait craindre au gouvernement que le pays ne soit considéré comme une terre d’asile de choix pour toutes les populations souffrant des multiples conflits de la région MENA (Younes, I. 2016).

En Jordanie, toute personne traversant la frontière syrienne pour rentrer dans le pays est considérée comme un réfugié, sauf si elle semble être une menace pour la sécurité ou qu’elle est rentrée illégalement sur le territoire. Sur les 378 kilomètres de frontière qui séparent les deux pays, il y a 25 points de passage officiels et 23 autres sont ouverts en fonction des circonstances et de l’affluence aux points de passage (Al-Kilani S. 2014). Avec l’afflux de plus en plus important de réfugiés, ces sites deviennent de fait les premiers camps d’installation temporaire des Syriens. À l’été 2012, le gouvernement jordanien ouvre le camp de Zaatari et annonce que les nouveaux arrivants syriens devront désormais s’installer dans des camps organisés. Ces camps accueillent principalement la population démunie de Syrie qui n’a pas pu être accueillie chez un proche ou n’a pas assez d’argent pour faire les démarches d’installation en centre-ville  (UCLG, 2013).

 

Conditions d’installation en dehors des camps de réfugiés

 

Les réfugiés syriens arrivant en Jordanie peuvent s’installer dans un des nombreux camps décidés et gérés par les autorités gouvernementales et le HCR, où ils peuvent bénéficier de l’assistance fournie par les organisations humanitaires locales et internationales. Cependant, les conditions de vie dans les camps en Jordanie sont particulièrement difficiles (manque d’eau, absence d’électricité ou de chauffage) et beaucoup de réfugiés décident de vivre en ville. « Sur les quelque 650 000 Syriens enregistrés en tant que demandeurs d’asile auprès de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés en Jordanie, près de 520 000 ont quitté les camps de réfugiés pour vivre dans des communautés d’accueil, d’après l’agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) » (HRW, 2016). Pour ce faire, les familles syriennes doivent trouver un « kafil » ou sponsor, c’est-à-dire, un Jordanien âgé de plus de 35 ans qui va se porter garant auprès des autorités. Cette garantie est indispensable pour que les réfugiés puissent par la suite accéder aux services de santé, à la scolarisation ou encore obtenir un permis de travail dans le pays.  

Pour avoir accès aux services publics, les réfugiés syriens qui vivent en ville doivent demander une « carte de service spécifique pour la communauté syrienne » (Doraï K., 2016), cette carte est valable 1 an renouvelable et est délivrée par l’Administration des résidences et des frontières du Ministère de l’Intérieur. Pour obtenir cette carte d'accès aux services, les réfugiés syriens doivent d’abord récupérer leurs documents d’identité, confisqués par les autorités jordaniennes à l’entrée du pays, au poste de police de leur quartier. Ils doivent ensuite prouver leur lieu de vie via un contrat de location ou une « déclaration de résidence » fournis par le HCR et accompagnés d’une pièce d’identité du propriétaire du logement. Les Syriens de plus de 12 ans doivent obtenir un certificat médical du ministère de la Santé en Jordanie. Enfin, les familles doivent présenter des certificats de naissance, mais les organisations d’aide internationale estiment qu’au moins 30 % des enfants syriens installés en Jordanie n’en ont pas (HRW, 2016). En janvier 2015, cette procédure coûtait 30 dinars (42 dollars américains), elle a été réduite à cinq dinars (sept dollars américains) en octobre 2015 (Amnesty Internationale, 2016 ; Doraï K., 2016). À cela s’ajoutent plus de 300 dinars (environ 400 dollars américains) pour demander un permis de travail difficilement accordé (Younes I., 2016).

Les réfugiés ayant quitté les camps de manière informelle après juillet 2014 et/ou ne disposant pas d’un contact jordanien pouvant se porter garant n’ont pas droit à ces cartes de service. Human Rights Watch estime que des milliers de personnes sont concernées par cette situation. De plus, ces cartes ne sont valides que dans le quartier où elles ont été émises et les délais pour se réenregistrer en cas de déménagement peuvent atteindre huit mois (HRW, 2016).

 

En bilan

La Jordanie, malgré son absence de politique d’accueil des réfugiés, est un des principaux pays de refuge des Syriens. De fait, elle a dû prendre des décisions pour gérer cet afflux, le premier est de confier la gestion des arrivants au HCR, la seconde d’aménager des camps d’accueil sur son territoire. Cependant, le gouvernement tente de contrer l’installation des réfugiés sur le long terme par une série de mesures restreignant leurs accès aux services ou au marché du travail. Le pays déjà en grande difficulté avant la crise syrienne assume désormais une pression supplémentaire affaiblissant ses services publics, son économie et le niveau de vie global de la population libanaise.

Mis en ligne le 30 août 2017.

Par Adèle Boucher.

Ci-joint la version intégrale pdf.

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